Je m'appelle Nicolas. Je suis né à Marseille et j'ai seize ans. Mon père est d'origine espagnole et ma mère française. Je suis brun avec des lunettes et j'ai du mal à les supporter. Je suis très fier de ma s½ur Fanny , âgée de quatorze ans, car elle vient d'avoir son B.E.P.C.contrairement à moi, elle est blonde avec les yeux bleus.
Mon père, Roberto, est couvreur charpentier zingueur, ce qui est bien pratique quand il y a une fuite sur le toit de la maison. Mais son travail est tellement fatigant et prenant qu'il rentre tard le soir, exténué. Heureusement, je partage avec lui la passion du foot et de l'O.M., ce qui nous amène à d'interminables conversations sportives. ..
Ma mère, Myriam, représente tout pour moi. Elle est toujours très présente auprès de ma s½ur et moi car elle symbolise le pilier de la famille. Je me confie facilement à elle.
Un jour, j'ai ramené de la bière à l'école et je me suis fait prendre par les pions ; ma mère, ayant été prévenue,décida de me priver d'un entraînement de foot en accord avec papa. J'ai même eu droit à un couplet sur les dangers de l'alcool lorsque l'on est sportif.
Dépité,je m'enferme dans ma chambre pour lire la nouvelle bande dessinée de Strange ; peu à peu, je regarde d'un air inattentif l'ensemble de mes B.D. et je me laisse envahir par mes souvenirs puérils,quand on ne me punissait pas.
Je régresse dans l'innocence de mon enfance.
J'aimais jouer à la marelle , lire de vieux livres de contes, regarder sur un grand écran de cinéma quelques diapositives de mon enfance,j'aimais faire des ballades en forêt avec mes parents, faire coucou à maman depuis la fenêtre de ma chambre,tirer la langue au président à la télé, lire des policiers et fumer une cigarette au coin de la cheminée.
J'ai arrété de fumer, je n'arrive plus à lire, sauf ce que j'écris, et je n'ai malheureusement plus de cheminée.
J'aime encore les animaux et la peinture, regarder les photos de mes parents dans les vieux albums, prendre des initiatives personnelles même s il y a des choses qui me freinent,suivre des enfants qui sautent à pieds joints dans les flaques d'eau,j'aime encore les fleurs,prendre des peluches dans mes bras et manger des sucettes.
Je n'ai jamais aimé l'égoïsme et l'intolérance,le non respect des règles de conduite par rapport aux usagers de la route, je n'ai jamais aimé la concurrence dans le travail ni la psychanalyse sauvage, je n'ai jamais aimé qu'au troisième millénaire il puisse exister encore des guerres alors que l'homme se dit civilisé.
« Aimé Jacquet a trouvé ses 23 joueurs(...)composant la sélection qui participera au mondial 1998. »
Cette information donnée à la radio me sort de ma rêverie .
Soudain, le téléphone sonne :
« Tu viens d'entendre les sélectionnés pour le mondial ? me demande Ali.
-Vaguement ; je suis dans ma chambre, puni à cause des bières. Et toi, on l'a su, chez toi ?
-Surtout pas, pour mes parents c'est un péché ; s'ils le savaient, ils me sucreraient les places du match Angleterre-Turquie. D'ailleurs, ajoute Ali,j'ai deux places pour toi.
-Super !Génial !j'en parle à mon père. Il va être super content que je lui offre une place car il le mérite amplement.»
Ainsi, dans mon for intérieur,je m'aperçois que mon père a une grande importance pour moi.
Je ne suis pas bien, le jour du match.
Un pressentiment que ça va mal finir.
Le bruit dans la rue m'exaspère, je suis gêné d'être observé par autrui, à en avoir le souffle coupé lorsque j'ai l'impression d'être suivi.
Trop longue, la file d'attente !
Trop de suspicion au guichet.
Trop d'agitation pour trouver sa place et trop de bruit dans le stade.
La foule hystérique applaudit, siffle, hurle,fait la ola, mais je n'arrive pas à suivre cette ambiance de folie. J'ai remarqué les caméras de la vidéo surveillance : on m'épie. Je me sens à la traîne, largué, perdu.
Trop de rapports de forces, trop de haine ;
trop de mauvaises intentions cachées et inavouées
trop de puissances d'argent,
trop d'admiration dévoyée par la méchanceté ;
trop de violence entre les supporters à la fin du match.
Je me sens différent. Je pense peut-être trop parfois. Je vois des choses que peut-être je comprends bien mais que je n'arrive pas à analyser.
La tête me tourne, je vois trouble, je ne contrôle plus mon corps, je sens que mon père me rattrape quand tout devient noir.
Je me réveille à l'hôpital, un peu perdu mais soulagé de ne plus être au milieu de la foule.
Mon père est là, tout près de moi, et m'explique ce qui m'est arrivé.
L'attente aux urgences est interminable même si je me sens mieux. C'est enfin mon tour de voir le médecin qui m'interroge sur les symptômes de mon malaise. Il élimine vite les causes physiques et pense à une crise de panique. Il me conseille d'éviter les situations stressantes.
Je me dis que ce n'est pas trop grave. Mon père, lui,cherche à en savoir plus en interrogeant le médecin qui me propose un suivi avec le docteur Frost, psychologue.
J'ai eu tellement peur que j'accepte cette solution.
Nous rentrons à la maison, silencieux,pensifs. Maman avait été prévenue par téléphone et attend sur le pas de la porte, soucieuse.
Elle me prend brièvement dans ses bras.
Moi, c'est Nico
Peut-être suis-je schizo
Avant j'étais alcolo
Encore un blême de trop
J'habite sur la Canebière
J'aime bien prendre quelques bières
Soudain je suis tombé en arrière
Lors d'un match de foot joué avant-hier.
Un toubib m'a diagnostiqué
Une phobie carabinée
Depuis je suis déprimé
Mais je sais que je m'en sortirai.
Une thérapie m'a été conseillée
J'angoisse à cette idée
Que va devenir ma vie future
Je pense que ça va être assez dur.
A l'approche de la rentrée,une famille recomposée emménage dans l'appartement voisin du nôtre. Sur le palier,je découvre une charmante adolescente.
Nos regards se croisent,je remarque sa guitare en bandoulière.
Nos regards se croisent et Cupidon nous décoche une flèche.
« Bonjour, je m'appelle Nico, avez-vous besoin d'aide ?
-Je veux bien, moi, c'est Pauline.
-Qu'est-ce que tu joues comme musique ?
-Pour le moment, j'apprends du classique.
-Dans quel collège seras-tu à la rentrée ?
-Au collège Marcel Pagnol, je crois. »
Elle rentre chez elle et moi je reste immobile,étonné, fasciné.
Mon c½ur se sent réchauffé de ce premier contact et je pressens que je ne suis plus tout à fait le même.
C'est formidable tout autant qu'émouvant.
Intérieurement
C'est l'épanouissement.
De cet amour, qui semble partagé,
J'en reste interrogatif
Et pensif.
Comme un idiot, je suis sur le palier,
Dubitatif.
Et il me tarde la rentrée
Pour la retrouver.
Suis-je amoureux ?
Je le crois, et je la kiffe déjà.
J'en oublie tout, tout ce qui m'est arrivé. Seule m'obsède l'idée de la retrouver . Les vacances se terminent mais je n'ai pas de regret. Je devrais être moins timide en l'invitant au Mac Do pour faire plus ample connaissance.
Quelques semaines plus tard, après la rentrée, agréable surprise !Nous sommes bien dans le même collège et avons décidé de participer à un atelier musical aux heures d'étude. Pauline joue maintenent une musique éclectique et improvise à merveille. L'animateur de la séance nous propose de mettre en musique les textes que j'écris. Serait-ce le début d'une formidable histoire,à la fois romantique,musicale et peut-être amoureuse ?
J'essaie de ne pas trop rêver, car mon identité est comme une balance, penchant du bon côté si elle est nourrie de respect. Mais le plus souvent, tout me paraît fade et sans relief, et l'égalité des êtres une vaste fumisterie où tout est permis mais rien n'est vrai.
Pourtant, il faut tenir bon et j'ai envie de croire à l'amour de Pauline. Nous avons décidé de monter un spectacle, pour le gala de Noël, en faveur de l'association Perce Neige. Trois mois d'efforts, le spectacle est réussi ; J'oublie même un instant le trac,ma phobie, et remercie Pauline de me permettre d'entrevoir un avenir plus prometteur. J'espère acquérir plus de confiance et moins d'angoisse pour garder mon équilibre psychologique.
Pauline comprend mes problèmes,les accepte et m'aide à les combattre.
Pendant l'année qui suit ,je n'ai plus ressenti mes symptômes. Il me reste quelque séquelles,mais je sais que tant que je serai avec elle j'éliminerai à petit feu cet excédent pathologique.
L'atelier d'écriture du Gem-Aapi, sous le parrainage de l'Amicale. Juin 2008
Laure et les autres, Juin 2008
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